Le bateau a cessé de rouler de tribord sur bâbord vers 2h30 ce matin.
C’est quand même beaucoup plus agréable de dormir dans ces conditions.
Hier soir notre « co-locataire » de cabine, était assise dans les douches et ne voulait pas en bouger.
Danielle a essayée de lui faire comprendre qu’elle serait mieux couchée, mais le mal de mer la paralysait totalement ; elle était incapable de faire le moindre mouvement.
Ce matin au réveil, ce n’est plus qu’un mauvais souvenir.
Pendant le petit déjeuner, nous sommes avertis que ceux qui désirent descendre sur l’île Wellington, et plus exactement à Puerto Eden, doivent le faire savoir auprès de l’animateur, pour nous c’est retourner le couteau dans la plaie.
Il est évident que nous nous inscrivons afin de mettre le pied sur cette île où vivent les derniers représentants des indiens « Kawesquar » encore appelés « Alalkalufs ».
L’île a une superficie de 5.556 km², elle fait partie du parc national « O’Higgins ».
Deux heures avant l’arrivée sur Puerto Eden, nous longeons l’épave d’un cargo grec, dont le Commandant a volontairement choisi de se saborder afin de toucher la prime d’assurance.
Le bateau est resté échoué sur un haut fond et le subterfuge a été découvert.
Ses désirs se sont transformés en cauchemar, et il a été condamné à une peine de prison.
Il est treize heures lorsque nous nous préparons à monter dans la chaloupe qui nous transporte vers le petit port de Puerto-Eden , non sans avoir revêtu une brassière de sécurité.
Nous sommes devenus membres de la tribu des hommes orange….
L’humidité atteint un tel niveau, que tous les chemins sont surmontés par des passerelles en bois, elles même extrêmement glissantes.
Nous n’avons qu’une heure d’escale, ce qui est vraiment trop peu pour faire connaissance avec cet endroit et surtout avec ces habitants complètement hors du monde.
Par contre, il y a Internet, le téléphone portable et la télévision (par satellite) ;
il y a une grande banderole sur la maison communale sur laquelle on peut lire :
« Internet pour tout le monde »….
Une preuve de plus, que le modernisme détruit à grande vitesse des cultures ancestrales.
En passant devant la poste, nous avons une pensée émue pour notre amie Brigitte, (postière comme Danielle), mais pour obtenir une mutation ici il faut parler couramment la langue locale le « Alakaloufane ».
La sirène du bateau nous rappelle qu’il est temps de rejoindre le port et d’embarquer dans les chaloupes pour regagner le bord.
Nous avons horreur de ce style de voyage où tout est calculé, organisé, minuté, mais pour connaître les canaux de Patagonie, nous avons fait une grosse entorse à nos principes ; c’était le seul moyen pour connaître ces endroits mythiques et envoûtants.
Nous continuons notre progression vers le sud, et le thermomètre continue sa lente descente , cet après-midi, il affiche 3 degrés.
Vers 17 heures locales, je crois avoir des visions. Avec cette température, ce ne peut pas être un mirage, nous naviguons au milieu de petits blocs de glace.
Je regarde le thermomètre, il affiche zéro degré ; il tombe un petit grésil.
Nous approchons du glacier Pio XI. Il est là devant nous, majestueux, impressionnant, c’est une sensation bizarre de ce trouver devant un tel monument de glace.
De gros blocs se détachent et tombent dans l’eau soulevant de grandes gerbes d’écume avec un bruit sourd d’explosion. De petits icebergs viennent caresser la coque de notre navire.
C’est la deuxième fois que nous naviguons près d’un grand glacier, le premier étant le Perito Moréno situé en Argentine, non loin d’ici.
En naviguant dans ce dédale d’îles, avec des hauts fond de 8 mètres, avec une météo changeant à chaque instant, passant du soleil radieux à une épaisse brume ou à des chutes de neige, on ne peut s’empêcher de penser à ces navigateurs intrépides et courageux de la trempe de Magellan.
Il fallait avoir une sacrée dose de courage, frisant peut-être l’inconscience pour s’aventurer dans ces lieux inhospitaliers au possible, sans aucune carte et sans moyens réels de navigation.
Ce soir, je fais mes derniers contacts radio, notre arrivée à Puerto Natalès est prévue demain vers 13h30.
Nous nous endormons avec comme berceuse le ronronnement des deux moteurs de notre vaisseau : « l’Evangelista » .
Les Routards bientôt de retour vers la civilisation…
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